Kobudo Embu Taikai du sanctuaire Meiji
Célébration de l'anniversaire de l'empereur Meiji
Chaque année, à la mémoire de l'empereur Meiji, se déroule l'une des plus grandes manifestations d'arts martiaux au Japon, le "Kobudo Embu Taikai du sanctuaire Meiji". Cet événement est grandement soutenu par le Shiseikan, une salle d’entraînement pour les Budo japonais comprenants le Kyudo (tir à l’arc), le Judo, le Kendo, l’Aikido et le Kenjutsu (la pratique de l’épée).
Journée de la culture et lieu de l'événement
Le sanctuaire Meiji situé à Tokyo est entouré d'une forêt de 70 hectares, composée d'environ 120 000 arbres provenant de donations faites dans tout le Japon. Attenant à l'un des plus grands parcs de Tokyo, Yoyogi Koen, c'est l'un des plus grands et des plus beaux espaces verts du centre-ville. Le Meiji Jingu est célèbre non seulement pour son sanctuaire impressionnant, mais également pour son charmant jardin d'iris, tandis que le parc Yoyogi attire petits et grands pour des pique-niques, des promenades et des rassemblements de toutes sortes le week-end.
Le sanctuaire Meiji a été construit en l'honneur de l'empereur Meiji et de son épouse, l'impératrice Shoken, en 1920. Au Japon, les sanctuaires sont séparés en 2 catégories, les sanctuaires standards appelés "Jinja", et les sanctuaires "Jingu", beaucoup plus grands et qui appartenaient à l'État. Avec le très célèbre Ise Jingu à Ise, le Meiji Jingu est l'un des deux plus grands lieux de culte au Japon, de loin le plus visité par les touristes japonais du monde entier.
Le jardin a été conçu par l'empereur lui-même avant sa mort, et a été conceptualisé pour accueillir un musée en son centre. Un musée qui existe encore aujourd'hui et qui expose principalement des objets anciens ayant appartenu à l'empereur et à sa femme.
De 1924 à 1942, les Jeux du sanctuaire Meiji ont été organisés, principal événement sportif du Japon d'avant-guerre. Le sanctuaire fut détruit lors des bombardements de 1945, et reconstruit en 1958.
Le Shiseikan Dojo a été construit au début des années 70 dans une partie extérieure du parc du sanctuaire. Entouré d'arbres, c'est certainement l'un des dojos les plus connus de Tokyo, non seulement en raison de son emplacement exceptionnel, mais également pour les célèbres Sensei qui y enseignent, tel que Inaba Sensei de l'école Kashima Shin Ryu, pour n'en citer qu'un. Le Shiseikan Dojo est l’un des plus beaux Kyudojo du Japon, où de nombreuses compétitions ont lieu tout au long de l’année.
Au Japon, le 3 novembre est une fête nationale appelée "Bunka no Hi (文化の日)" ou "Journée de la culture" en français. Cette journée est dédiée à l'anniversaire de l'empereur Meiji et c'est à cette occasion qu'une cérémonie du souvenir est célébrée chaque année, depuis 1948.
Pendant les cérémonies traditionnelles japonaises et en particulier les cérémonies religieuses, des représentations des arts anciens, y compris d'arts martiaux, sont d'usage. Le Kagamibiraki (cérémonie d’accueil pour la nouvelle année est tenue entre autres au sanctuaire de Yasukuni) tout comme divers événements qui incluent de telles manifestations sont souvent liés à des événements religieux et se déroulent à proximité des sanctuaires shinto. Vous avez peut-être déjà remarqué cela lors du visionnage de démonstrations d'arts martiaux sur YouTube.
La démonstration de Kobudo est organisée par l'organisation Nihon Kobudo Shinkokai (Société japonaise de promotion des kobudo). Le Kobudo Shinkokai est l’une des deux principales organisations rassemblant les anciens Koryu, aux côtés du Nihon Kobudo Kyokai du Nippon Budokan.
La démonstration de Kobudo du sanctuaire Meiji Jingu est l’événement principal du Kobudo Shinkokai.
Dans le cadre d'une cérémonie religieuse, un protocole de cérémonie shinto spécifique doit être respecté et chaque pratiquant est invité à une cérémonie de purification et à boire une gorgée de sake (Nihonshu). Malheureusement, la cérémonie est réservée aux participants et nous n'avons pas pu y assister.
L'empereur Meiji
L'empereur Meiji (1867-1912), également appelé 'Meiji le Grand', est le plus illustre empereur de l'Histoire japonaise. Remis sur le trône lors de la révolution Meiji, une période de changements radicaux, l'empereur Meiji est l'architecte du Japon moderne et l'un des acteurs clés de la transformation des "arts martiaux des samouraïs" en budo moderne.
Pour faire court, jusqu'à la fin du 19ème siècle, le Japon était fermé aux pays étrangers. Après ce qui a été la plus longue période isolationniste de son histoire, le Japon affronte les navires noirs américains menés par le commodore Perry et réalise à quel point le pays est en retard sur le plan technologique par rapport à l'Occident.
Effrayée, la classe de guerriers menant le Japon à l'époque se divise en deux camps, ceux en faveur et les opposants à l’ouverture du Japon. Les opposants ont utilisé la ligne impériale comme prétexte pour rétablir le Japon traditionnel. Ils se sont battus, ont gagné, puis perdu, ont gagné une nouvelle fois - mais à cette époque, la majorité des partisans de l'empereur était favorable à l'ouverture du pays.
Après le décès de l'empereur Komei, l'empereur Meiji lui succède sur le trône et, à l'âge de 15 ans, est désigné pour gouverner un Japon récemment ouvert.
En seulement quelques décennies, le Japon devient une société moderne, et l'empereur Meiji joue un grand rôle dans la direction et la réforme de sa nation. Ceci, et le fait que l'empereur Meiji fut le dernier empereur sans aucun lien avec les nationalistes qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale, explique pourquoi il est toujours aimé et révéré de nos jours.
Grâce à des professeurs incroyables, et principalement au fondateur du judo, Jigoro Kano, les arts martiaux ont connu le même processus de renouvellement et les arts de la guerre sont devenus des moyens d'éducation.
Pour en savoir plus sur cette période et sur la façon dont les Budo ont effectué cette transition, nous vous invitons à visionner l'interview d'Alexander Bennett publiée il y a quelques mois et qui présente des détails sur l'évolution des budo au cours du 20ème siècle.
Bien que l’empereur Meiji soit parfois tenu pour responsable de la disparition de la classe des guerriers, il est également célèbre pour avoir contribué à la promotion de leurs nouvelles formes à la fin de son règne et il est donc naturel que les pratiquants d'arts martiaux lui rendent hommage via ces démonstrations au sanctuaire Meiji Jingu chaque année.
Kobudo, les écoles traditionnelles
Mais revenons à l'événement. Ce jour-là, chaque école traditionnelle d'arts martiaux japonais renommée participe, envoie ses enseignants et ses étudiants les doués et les plus célèbres pour faire une démonstration de leur talents et s'affronter. Avant-même que l'événement ne débute officiellement, le Yabusame, le tir à l'arc à cheval japonais, attire les foules dès les échauffements tôt le matin.
Malheureusement, leurs compétitions ont toujours lieu à la même heure que les démonstrations des écoles de Kobudo. Nous avons décidé de nous concentrer sur ceux-ci, mais espérons obtenir aussi quelques vidéos du Yabusame l'année prochaine.Le premier Embu (démonstration) commence à 10h après une courte cérémonie accompagnée de conques, coquillage utilisé comme instrument à vent. 60 écoles font des démonstrations en simultané sur deux zones pendant environ 10 minutes chacune, ce qui représente une assez longue série de démonstrations par rapport à ce que l'on voit parfois dans d'autres événements majeurs. Cet événement se termine vers 16 heures avec le Hojutsu, l'artillerie traditionnelle japonaise.
Certaines écoles, telles que le Katori Shinto Ryu ou le Yagyu Shinkage Ryu sont représentées par plusieurs groupes et il est réconfortant de voir que, malgré leurs différences, les organisations de Kobudo sont en mesure de les réunir pour des événements de cette importance.
Cette fois, nous avons décidé de filmer (presque) toutes les 60 écoles participantes avec 2 caméras, une dédiée à chaque zone. Un Panasonic GH4 et un Panasonic GH5 configurés pour tourner en 4K pour permettre de recadrer si besoin et de publier en haute définition sur YouTube.
Nous avons beaucoup travaillé sur le montage de chaque vidéo, en ralentissant certaines parties pour montrer clairement la précision de l'exécution des techniques et avec quelle passion les démonstrations ont été présentées. (Malheureusement, seul le GH5 est capable de tourner en 4k à 60 fps, donc seulement la moitié des démonstrations comportera de telles séquences au ralenti).
Playlist YouTube : Meiji Jingu Kobudo Embutaikai 2017
Des armures aux Hakama
Cela vaut la peine d’arriver tôt pour se faire une bonne place. Il est rare, même au Japon, que toutes ces écoles fassent la démonstration d'une partie de leur programme. Il est donc rare de pouvoir observer et comparer directement les différentes techniques utilisées dans chaque école. Certains enseignants appartenant à la génération la plus âgée ont des décennies et des décennies d'expérience et il est bon de voir que la jeunesse prend lentement mais régulièrement le relais, assurant ainsi le maintien de cette tradition.
Mais les arts martiaux - ce n'est pas tout. Les différents types de vêtements sont tout aussi impressionnants - différents types de Hakama et de Dogi, comme ceux que nous portons lorsque nous pratiquons, mais certaines des écoles de sabres traditionnelles présentent des fascinantes et majestueuses armures de Samouraï qui étaient portées jusqu'à la période Edo (1603-1868).
Bien sûr, ce sont des copies faites à partir d'anciens Yoroi, mais elles se rapprochent de ce qui était réellement porté à l'époque. Il est intéressant d'imaginer à quel point les mouvements rapides et détaillés étaient gênés, la puissance qu'il fallait pour faire une coupe, et à quel point les techniques pour percer ces plaques ou pour cibler les ouvertures autour des articulations devaient être sophistiquées. Cette mise en contexte permet de mieux comprendre pourquoi certaines écoles ont mis au point certains styles et techniques, comme le Yagyu Shingan Ryu ou le Owarikan Ryu, qui mettent toutes deux l’accent sur les techniques exécutables lorsque l'on portait une armure par le passé.
Finir avec une explosion
Comment finir cette belle après-midi autrement que par une démonstration du Hojutsu Morishige Ryu, l'une des dernières écoles à enseigner l'art traditionnel japonais du tir au fusil. Le Hojutsu est généralement le dernier art présenté, et ce, pour des raisons très pratiques : Les spectateurs doivent quitter la zone de tir pour des raisons de sécurité, la cérémonie de Yabusame doit être terminée et les chevaux évacués pour éviter toute réaction inattendue.
Loin de n'être qu'une simple succession de tirs, il s'agit d'un art compliqué qui prend en compte un nombre incroyable de paramètres. Tirs depuis ou vers un château, de l'autre côté d'une rivière, techniques de détournement, coups rapides... Leurs principales techniques ont été expliquées en détail lors de la démonstration (nous tenterons de donner quelques explications dans la vidéo que nous publierons bientôt).
Comme on pourrait le prévoir, le Hojutsu est éloigné des écoles de Koryu que nous connaissons aujourd'hui et il est considéré par le public comme un spectacle plus que comme un art martial, mais son art est aussi raffiné que n'importe quelle autre école de Koryu et, dans une large mesure, très spécifique au Japon et à sa manière de faire la guerre jusqu’à la fin du 19ème siècle.
4 commentaires - Kobudo Embu Taikai du sanctuaire Meiji
“considered to be Kashima Shinryu teacher”
Well, it depends what you mean by “considered”.
He branched from Kashima Shin Ryu and created “Kashima no Tachi”, so he’s not part of the Kashima Shin Ryu school, but he does teach Kashima.
Is Inaba Minoru Sensei really considered to be Kashima Shinryu teacher? I’m confused here because folks from Seki Humitake Sensei didn’t recognise Him as such.
The Hojutsu demonstration is absolutely fascinating, and I thank you for your Complete Introduction to Japanese Gunnery video (https://youtu.be/3BgP_G_U0iE). I have a question: Are these historical firearms subject to Japan’s firearms and swords law? Are they subject to the Ministry of Culture just like katana? Or are they under the control of the National Police like modern firearms?
In reply to Peter.
Thank you for your comment.
Yes, those firearms are under the 1958’s law about control and restrictions of weapons.
And no, they are not under an exception status like the Katana.
However, they are categorized in the same way as hunting firearms and competitive shooting firearms, which are not completely prohibited in Japan.
All Hojutsu practionners are also members of the National Rifle association and their practice is covered by the same regulations as competitive shooting.